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How a race car is born, lives and dies I/V

We are republising here a series of five articles published in 1922 in the luxurious magazine “Très Sport” which gives a very complete overview of the racing cars of the time, their history and their evolution.

These articles are signed Charles FAROUX and Henri PETIT

Lorsque, au cours d’un circuit automobile, on s’abandonne aux émotions sportives que suscite un tel spectacle, on ne peut pas ne pas être frappé de la grande similitude qui existe entre les voitures des divers concurrents, et cette similitude, si l’on veut bien y réfléchir, est quelque peu surprenante.

   Voici, en effet, des voitures qui ont été conçues et construites dans des usines différentes, par des hommes différents, et cela dans le plus grand secret, à tel point que l’on est bien sûr qu’aucun renseignement n’a pu passer d’une maison à l’autre : il semble donc, a priori, que ces voitures doivent présenter des différences essentielles dans leur réalisation. Or, au contraire, on constate qu’elles sont extrêmement près l’une de l’autre, tant au point de vue solutions mécaniques, qu’au point de vue performances qu’elles sont susceptibles d’accomplir.

   Dans nos grandes épreuves automobiles modernes, en effet, le lot de ceux qui y prennent part ne comprend presque que des voitures ayant toutes les mêmes chances de réussir, et bien souvent le résultat heureux d’une course n’est dû qu’à un incident de route du concurrent qui semblait devoir gagner.

   Comment se fait-il donc qu’il existe une telle unité dans la construction des voitures de course ?   Comment, d’autre part, ces voitures ont-elles été conçues, comment construites, comment mises au point ? Tels sont les points d’interrogation que soulèvent les réflexions du spectateur attentif, et ce sont ces questions auxquelles nous nous proposons de répondre dans leurs grandes lignes.

   Auparavant, notre éminent confrère, Charles Faroux, nous parlera des conducteurs.  

 

 

LE ROLE DES COURSES ET DES CONDUCTEURS

La course publique, la course de vitesse, constitue pour l’automobile une nécessité. Le thème a été trop souvent développé pour qu’il soit nécessaire aujourd’hui d’insister encore. Dans tous les domaines de la mécanique appliquée, il faut pouvoir exécuter aussi des essais à outrance beaucoup plus sévères que ceux auxquels est normalement soumis le mécanisme, afin de connaître précisément la marge, le coefficient de sécurité sur lequel, on sera ensuite en droit de compter. L’artillerie a des polygones, des champs de tir ; l’industrie des armes portatives dispose des bancs d’épreuve, etc.

 Or, en matière d’automobile, l’épreuve la plus dure à laquelle on puisse soumettre un châssis, c’est l’épreuve de vitesse. Du seul point de vue mécanique, on dira que la chose s’impose parce que les effets destructeurs croissent comme le carré de la vitesse et que la réalisation d’une vitesse moyenne élevée de marche pendant plusieurs heures consécutives impose à tous les organes, du moteur aux roues en passant par les pièces en mouvement, la transmission, la direction, la suspension et les pneumatiques, un travail énorme. Le philosophe ne manquera pas toutefois de faire remarquer qu’ici comme en athlétisme, la vitesse constitue un critérium supérieur. Souvenez-vous au surplus qu’à peine née la locomotion automobile, les longs parcours lui deviennent familiers.

 Souvenez-vous par exemple de : l’Obéissante, la fameuse voiture du créateur Amédée Bollée, qui, quelques semaines après sa construction, effectue le parcours du Mans à Paris à une moyenne commerciale de près de 20 kilomètres à l’heure. La chose se passait en 1873.

 Plus près de nous, dès que le sport commence a codifier l’automobile, on trouve des parcours considérables — un Paris-Marseille et retour par exemple — accomplis sans incidents sérieux. De simples courses de pure vitesse auraient assurément mieux servi à la technique automobile, mais il ne faut pas médire de ces grandes épreuves de ville à ville : elles ont facilité énormément la diffusion de l’idée et leur rôle utile a été considérable.

 Les vitesses croissant, la course de ville à ville devenait dangereuse. Pierre Giffard, qui fut un grand homme et pas seulement pour tout ce qui regarde la locomotion, vit clair le premier et cria « casse-cou ». On lui en garda grief, car c’est toujours un rôle ingrat de jouer les Cassandre. Tout ce qu’avait fait Giffard jusqu’alors dans le bien général et qui était essentiel, fut oublié : on méconnut l’impartiale intervention du critique ; mais peu après, ce fut la regrettable aventure de Paris-Madrid avec les nombreux accidents que l’on sait : la course interrompue à Bordeaux et, à partir de l’année suivante, 1904, l’absolue nécessité de faire disputer les courses automobiles sur un circuit fermé, composé de routes gardées.

   Au début, on tomba tout naturellement dans l’erreur d’adopter des parcours fermés d’un développement excessif : un circuit ne paraissait pas digne d’attention si son périmètre n’atteignait pas au moins 100 à 120 kilomètres. Les Ardennes françaises (1904) l’Auvergne (1905), la Sarthe (1906) répondaient à ce programme; épreuves mortellement ennuyeuses, dépourvues de tout attrait pour le spectateur, et il fallut en venir progressivement au petit circuit, qui rend la course singulièrement plus vivante. J’avais bataillé, dès mon entrée dans la presse, pour cette idée : les circuits de Dieppe, d’Amiens et de Lyon, dans la période d’avant-guerre, comprenant un développement d’une trentaine de kilomètres, me paraissaient trop grands encore ; on fit un progrès d’abord avec la Sarthe l’an dernier (circuit de 17 kilomètres), avec Strasbourg cette année (circuit de 13 kilomètres). Mais il faudra en venir aux 6 ou 8 kilo­mètres seulement. Avec les fonds énormes dont dispose l’Automobile-Club de France, il sera facile, enfin, d’aménager ce petit parcours de façon irréprochable et nous aurons alors une Epreuve merveilleuse, dont aucun spectateur français accoutumé à nos seuls Grands Prix, ne peut même se faire une idée. Jusqu’à présent, la seule course, organisée de la façon que je rêve, a été en Europe le circuit de Brescia 1921, qui a laissé un souvenir ineffaçable dans la mémoire de tous ceux qui ont eu la bonne fortune d’y assister. Cette année, nos amis d’Italie vont faire mieux encore : ils établissent dans le Parc de Monza, à mi-chemin entre Milan et le lac de Côme, dans un cadre merveilleux, un circuit à l’établissement, ‘duquel ils consacrent 9 millions de lires.

   Les seules tribunes y ont une façade de 1.500 mètres. Cela va être de tous points admirable.

Les Courses actuelles sont beaucoup moins dangereuses que naguère.

   Les voitures, en effet, à raison des progrès accomplis par nos ingénieurs, présentent une meilleure stabilité, sont plus maniables sur leurs directions sûres et précises ; les pneuma- tiques, depuis la guerre surtout, ont fait d’incroyables progrès ; les organes sont plus solides ; enfin, le freinage, depuis la généralisation des freins sur roues avant, donne aujourd’hui une garantie essentielle au conducteur. Enfin on court sur route gardée, très familière aux concurrents, et sur laquelle toute poussière est supprimée.

   Allons-nous dire cependant que les conducteurs actuels sont inférieurs à ceux des premiers temps de l’automobile ? Je dirais quasi le contraire.

   Aux premiers temps des courses, en effet, les vitesses mises en jeu n’étaient pas bien élevées, il y avait toujours surabondance de la cylindrée motrice, ceci en conséquence d’un détestable règlement au poids maximum qui parut longtemps intangible et qui ne disparut qu’après des assauts répétés. Tout le travail du conducteur consistait à commander la direction, à écraser l’accélérateur. La mise au point même n’offrait pas de difficultés essentielles, parce que les problèmes posés n’étaient ni assez difficiles, ni assez précis. Nous avons conservé le souvenir des meilleurs champions de l’époque qui étaient précisément les meilleurs mécaniciens : ceux-ci, un Théry, un Hémery, un Lancia, un Salzer, contribuaient puissamment à la victoire de leur équipe et cependant le rôle du destin dans les courses est si grand que les deux derniers nommés n’ont jamais gagné une grande épreuve internationale et cependant, quels artistes, quels virtuoses !

   On m’excusera, en ce qui touche les conducteurs, de ne pas remonter aux temps héroïques. Cependant il paraît bien difficile de ne pas, mentionner ceux qui triomphèrent souvent et dont beaucoup sont encore parmi nous. René de Knyff, vainqueur dans tant d’épreuves dont la plus importante fut le Tour de France 1899, est aujourd’hui administrateur de la marque dont il pilota toujours les voitures, Panhard-Levassor. Fernand Charron est, lui aussi, demeuré dans l’automobile, commerçant avisé après avoir été coureur adroit. Charron, qui est très intelligent, a toujours eu en automobile un flair remarquable ; tant d’autres et le plus grand de tous, Louis Renault, qui, après une belle carrière sportive, est devenu le puissant capitaine d’industrie qu’on sait. Evoquons le souvenir d’Albert Lemaître qui fut un grand, un très grand conducteur, de Levegh, de Girardot…

Souvenons-nous qu’Henry Fournier eut lui aussi son heure, enlevant Paris-Berlin après Paris-Bordeaux.

 

   Cependant, pour tout ce qui concerne l’époque antérieure aux circuits, on ne peut s’empêcher de penser que l’homme ayant accompli la plus belle performance intrinsèque est sans doute Gabriel, vainqueur de Paris-Bordeaux, première étape de Paris-Madrid 1903. La vitesse était déjà respectable, puisque Gabriel dépassa le 100 de moyenne, mais, à mon sens, ce qui donne à cette magnifique course de Gabriel toute sa signification, c’est que l’homme dut dépasser en vitesse 86 voitures sur une route non gardée et non goudronnée. Certains disent que le vent était de côté et favorisait Gabriel. C’est faire trop bon compte d’accidents terribles survenus du fait de la poussière et dont le plus connu est celui qui coûta la vie à Marcel Renault, frère de Louis Renault. Marcel Renault, qui allait dépasser Théry, fut trompé par la poussière au moment où la route faisait un coude à gauche, s’engageant sur le bas-côté, il capota et se tua. La tragique nouvelle fut apportée à Louis Renault au moment où celui-ci se présentait en triomphateur aux Quatre-Pavillons, enlevant la catégorie des voitures légères.

   On a voulu également faire à Gabriel un grief du fait qu’il n’avait pas gagné depuis. C’est oublier trop vite la part du hasard dans les courses. En réalité, Gabriel accomplit ce jour-là une performance extraordinaire et qui lui fait grand honneur. Pourquoi voudriez-vous lui marchander le rôle essentiel qui lui revient et cependant admirer Nazzaro qui connut une passe inouïe de réussites, enlevant la même année la Targa Florio, la Coupe de l’Empereur, le Grand Prix de l’A.C.F. et le Grand Prix d’Italie, quatre grandes courses consécutives où il battait la fine fleur des conducteurs de l’époque ? Mais y eut-il jamais plus grand veinard en course que Nazzaro ? Il était bien loin de valoir Lancia, et comme metteur au point et comme manieur de volant : mais il eut longtemps en course ce que Théry nommait le « pot de vernis >.

   Avec Nazzaro, Théry est le seul homme de l’ancienne génération qui ait gagné quatre grandes épreuves consécutives, mais Théry a, dans ses victoires, quelque chose de plus régulier. Il termine toujours premier de son équipe, quelle que soit l’équipe à laquelle il appartient; d’ailleurs, par une préparation minutieuse, Théry excellait à réduire au minimum le rôle de la veine au moins en ce qui le concerne.

   Si la grande course n’est pas toujours juste en ce qui concerne les conducteurs. il semble qu’il en soit de même à l’égard des voitures. Que la foule s’incline devant un résultat brutal, cela est excellent : mais les gens du métier ont le droit de se livrer à des commentaires et de voir ce qu’il peut entrer d’heureux dans une victoire ou d’injuste dans une défaite. Si nous nous étions comme la foule, aveuglément confiés aux résultats, nos voitures n’auraient connu ni la magnéto, ni les roulements à billes, ni le graissage sous pression, ni le freinage avant, ni la recherche des meilleures formes, puisque chacune de ces grandes solutions a été battue à son apparition.

   Croyez-vous pas que les Panhard-Levassor de 1904, battues aux Ardennes, étaient de splendides voitures ? Elles le prouvèrent en fin de saison, enlevant successivement le circuit des Ardennes belges et la Coupe Vanderbilt. En 1908, la meilleure voiture du lot, et de loin, c’est la fameuse Clément-Bayard, battue cependant, mais un proche avenir devait généraliser les solutions innovées par l’ingénieur « responsable » de cette magnifique voiture : M. Sabatier. Plus près de nous, je ne connais pas d’exemple de défaite plus imméritée que celle de Peugeot à Lyon en 1914. La voiture était nettement supérieure à la Mercédès et l’a montré décidément par la suite. Enfin, nous savons tous qu’un grand constructeur actuel. Ballot, n’a pas toujours gagné quand il devait gagner. Chacun a salué comme une belle revanche sur le sort la victoire de Ballot dans le Grand Prix d’Italie 1921 où il battait, avec une 3 litres, tous les records du monde sur route.

   C’est une question qu’on me pose souvent, de connaître quel est le meilleur conducteur qu’on ait jamais vu.

   De telles questions sont toujours vaines : tout comme demander si Ksar vaut Gladiateur ou si Kramer a valu Zimmermann ! Les premiers conducteurs, dans la mémoire de ceux qui les ont connus, bénéficient d’un recul favorable, du prestige que leur confère notre jeunesse, de tout un ensemble d’éléments indulgents… Quand l’un de nous s’écrie : «Ahl Théry !… » je m’imagine entendre un vieil amateur de théâtre s’écrier : « Si vous aviez entendu la Malibran. »

Les modifications apportées dans la mentalité du coureur

S’il est difficile de désigner nommément celui qui serait le « meilleur homme », et encore conviendrait-il d’abord de bien se mettre d’accord sur le terme, je serais beaucoup plus catégorique en ce qui concerne un ensemble. Je dirai que la meilleure génération de conducteurs, c’est l’actuelle et que, dans dix ans, ce sera celle de 1932. Renonçons une bonne fois au personnage bêta au laudator temporis acti et sachons dire, qu’en toutes choses, le progrès est manifeste.

   Le coureur actuel est un garçon qui connaît le moteur et la mécanique ; celui de 1905 était souvent ignorant et inintelligent ; que d’âneries n’ai-je pas entendues alors… Le coureur actuel sait l’importance de la culture physique et s’y adonne avec méthode. Le coureur de 1905 était souvent attablé devant des alcools variés; le coureur actuel est un collaborateur précieux de l’ingénieur : son prédécesseur était incapable de rendre compte d’un essai.

   Entendons-nous, il ne s’agit ici ni de Théry; ni de conducteurs comme Hémery ou Wagner, ces deux beaux types d’hommes toujours sur la brèche.

   C’est d’ailleurs à partir de 1904-1905 et des courses dures en circuit fermé, celles qui rendent impraticable le bluff personnel, c’est à partir de cette époque qu’on vit disparaître peu à peu le conducteur amateur, le «gentleman » sur lequel l’ingénieur n’avait qu’une insuffisante autorité. D’eux-mêmes s’éliminèrent rapidement des conducteurs qui étaient seulement des manieurs de macaron et rien de plus.

   Dans cette voie favorable, un grand progrès fut permis par les courses de voiturettes. J’ai ainsi eu la grande joie sportive d’assister aux débuts, à la formation de gaillards comme Georges Boillot, Jules Goux, Albert Guyot, Guippone, Thomas, Sizaire et tant d’autres qui devaient transformer décisivement la mentalité moyenne du conducteur. Avec eux, la course était courue avant le départ. Notre métier nous donne ce privilège de découvrir les « étoiles », comme un critique théâtral peut deviner une future Rachcl dans cette enfant de quinze ans entendue quelques minutes au Conservatoire. Il était facile de prédire un grand avenir de conducteur à tous ceux que je viens de nommer et, quand je l’écrivis, on n’y crut point, naturellement… et cependant.

   D’homme plus beau au volant, plus intelligent dans la préparation que Georges Boillot, je n’en ai point connu : sa glorieuse vie sportive s’est achevée dans la gloire d’un héros. Il nous a laissé son frère André Boillot qui a, lui aussi, tout d’un grand champion, et Goux, ce coureur phénomène, qui serait premier du lot international dans un classement aux points, Goux, le conducteur adroit, expérimenté, infatigable.

   Je ne connais pas d’homme qui fatigue moins une voiture que Guyot, tout en menant terriblement vite, et Thomas est toujours redoutable aux meilleurs.

   Ce n’est pas toujours une question d’âge : parmi les conducteurs actuels, un homme comme Artault, qui a connu cependant les premiers âges de l’automobile, est cependant l’un des meilleurs, tant il est minutieux dans sa préparation et tant il sent la voiture qu’il pilote. Enfin, on se demande pourquoi Dominique Lamberjack n’a jamais couru.

   L’emprise exercée par la course automobile est telle que pour beaucoup de ceux.que j’ai nommés, l’amour du métier est supérieur à l’appât du gain. Aucun coureur européen n’a jamais gagné ce que gagnent aujourd’hui les conducteurs américains, tel ce Jimmy Murphy, récent vainqueur du Grand Prix d’Amérique à Indianapolis, qui s’adjugea ainsi 68.000 dollars, soit tout près de 750.000 francs au cours actuel. Le même Murphy, qui gagna l’an dernier au Mans le Grand Prix de l’A. C. F., n’avait alors récolté que quelques dizaines de milliers de francs.

   Pour cette année la victoire à Strasbourg dans le Grand Prix de vitesse doit rapporter quelque deux cent mille francs au premier et un peu plus de la moitié au vainqueur du Grand Prix de Tourisme. Ces prix sont assurés uniquement par les fournisseurs et le constructeur, car l’Automobile-Club de France n’a jamais pu donner de prix en espèces, ce qui paraît invraisemblable si l’on songe, d’une part, qu’il est Société d’Encouragement et, de l’autre, qu’il dispose de ressources énormes. En 1905, les Eliminatoires françaises furent dotées d’un premier prix de cent mille francs, le plus important qui ait jamais été accordé en Europe. Notre confrère l’Auto offrait ce prix au vainqueur une fois de plus l’initiative privée comblait les lacunes de l’organisation officielle. L’histoire se répète éternellement : songez plutôt à l’aventure des Jeux olympiques de 1924.

C FAROUX